L’intelligence artificielle (IA) générative révolutionne notre façon de créer, du texte à l’image en passant par la musique. Cette avancée technologique, capable de produire du contenu à partir de simples commandes, ouvre des opportunités inédites pour les artistes, les auteurs et les entreprises. Cependant, elle soulève aussi de nombreuses questions essentielles pour la protection de la propriété intellectuelle (PI).
Que vous soyez un créateur utilisant l’IA pour vos projets ou que vous cherchiez à protéger vos œuvres existantes contre les usages non autorisés par l’IA, il est crucial de comprendre ce nouveau paysage juridique. Comment le droit s’adapte-t-il à cette transformation rapide ? Et, plus concrètement, comment pouvez-vous protéger vos intérêts ?
L’IA générative : une opportunité et des défis majeurs
L’IA générative offre des outils puissants pour stimuler la créativité et assister les processus de réalisation d’œuvres. Elle permet de générer des contenus plus rapidement et souvent à moindre coût que par des méthodes traditionnelles.
Pourtant, cette effervescence s’accompagne de préoccupations significatives. Les systèmes d’IA sont entraînés sur des quantités colossales de données, souvent collectées par “moissonnage” (ou scraping) sur Internet. Ce processus d’apprentissage massif se fait parfois sans que les titulaires de droits n’en aient connaissance ni donné leur accord. Cela soulève une question fondamentale : comment assurer une juste rétribution des créateurs dont les œuvres alimentent ces systèmes ? De plus, la rapidité et le faible coût des productions de l’IA font peser une menace sur la création humaine, risquant de marginaliser le rôle classique des auteurs.
Le cadre légal européen : le règlement sur l’IA (AI Act)
En réponse à ces enjeux, l’Union européenne a adopté le Règlement sur l’Intelligence Artificielle (AI Act) début 2024. Ce texte vise à établir des règles harmonisées, en se basant sur le niveau de risque des systèmes d’IA.
Une portée étendue : Le Règlement s’applique aux fournisseurs, déployeurs, importateurs et distributeurs de systèmes d’IA. Sa portée est même extraterritoriale : il couvre les systèmes d’IA dont les “sorties” sont utilisées dans l’UE, même si le fournisseur est établi hors de l’Union.
Les obligations de transparence : Pour les IA génératives, classées comme “modèles d’IA à usage général” (GPAI), l’AI Act impose des obligations de transparence. Les fournisseurs de ces modèles devront notamment :
- mettre en place une politique respectant le droit d’auteur.
- publié un résumé des contenus utilisés pour l’entraînement du modèle.
Ces mesures visent à protéger les droits de propriété intellectuelle et les informations confidentielles. Cependant, de l’avis de nombreux experts, ce niveau de transparence pourrait être insuffisant pour permettre aux auteurs d’exercer pleinement et facilement leurs droits.
Protéger vos créations à l’ère de l’IA : deux scénarios
La propriété intellectuelle face à l’IA se pose sous deux angles essentiels pour les créateurs :
1. Vous utilisez l’IA pour créer : Comment protéger votre œuvre ?
Si vous utilisez l’IA générative pour produire du contenu, la question fondamentale est de savoir si le résultat peut être protégé par le droit d’auteur. En droit français et européen, une œuvre doit être “originale” pour bénéficier d’une protection. Cela signifie qu’elle doit être le reflet de la personnalité de l’auteur, portant l’empreinte de ses choix créatifs.
L’IA n’étant pas une personne physique, elle ne peut être reconnue comme auteur. La protection de votre œuvre générée par IA dépendra donc de votre apport intellectuel propre et de votre effort personnalisé. L’IA est considérée comme un outil. C’est l’originalité de votre intervention (vos “prompts” précis, vos sélections, vos modifications) qui pourra justifier une protection. Prouver cet apport peut s’avérer complexe. La jurisprudence américaine semble aller dans ce sens, exigeant une action humaine pour qualifier une éventuelle protection.
Des initiatives proposent l’utilisation d’indicateurs visuels (comme “NO AI USED”, “ASSISTED BY AI”, “MADE WITH AI”) pour clarifier l’implication de l’IA dans la création d’une œuvre.
2. Vous voulez protéger vos œuvres existantes de l’IA
Si vos œuvres sont déjà en ligne, elles risquent d’être utilisées pour l’entraînement de modèles d’IA. C’est le fameux “moissonnage” de données. La directive européenne sur le droit d’auteur (DAMUN) a introduit la “fouille de textes et de données” (TDM – Text and Data Mining). Cette fouille permet la réutilisation de données licitement collectées, sous réserve que le titulaire des droits ne se soit pas opposé à ce traitement (“opt-out”).
Cependant, exercer ce droit d’opposition est un véritable défi. La difficulté à identifier et tracer l’utilisation de vos œuvres au sein de bases de données gigantesques est immense. Le manque de transparence de certains fournisseurs d’IA aggrave cette situation.
Anticiper et agir
Le paysage de l’IA et de la propriété intellectuelle est en constante évolution. Le Règlement sur l’IA est un premier pas, mais de nombreux points restent à préciser et les défis sont importants, tant pour la protection que pour la juste rémunération des créateurs.
Dans cet environnement complexe, il est essentiel d’être bien informé et accompagné. Que vous soyez un créateur qui utilise l’IA dans son processus artistique, ou une entreprise soucieuse de protéger ses innovations et de se conformer aux nouvelles règles, un conseil juridique spécialisé vous permettra d’optimiser la protection de vos droits.
N’hésitez pas à me contacter pour discuter de votre situation spécifique et des stratégies à adopter face aux enjeux de l’IA et de la propriété intellectuelle.