Un droit né de l’usage… et perdu par l’inaction
Le nom commercial est l’un des signes distinctifs fondamentaux d’une entreprise. Il permet d’identifier son activité auprès de la clientèle, d’asseoir sa réputation, et de se distinguer de la concurrence. Contrairement à une marque, il ne bénéficie d’aucun formalisme : sa protection découle exclusivement de son usage réel, public et constant.
Mais cette force fondée sur l’usage est aussi une faiblesse. Car dès que cet usage cesse, le droit au nom commercial s’éteint silencieusement. Aucun délai légal n’est prévu, aucune alerte administrative n’est envoyée. Et pourtant, au terme d’une période d’inactivité, même involontaire, le nom peut être librement repris par un tiers, sans que l’ancien exploitant puisse valablement s’y opposer.
L’usage actif : condition de survie du droit
Pour être juridiquement protégé, le nom commercial doit être effectivement exploité. Cela signifie que l’entreprise doit s’en servir de manière visible, dans le cadre de ses relations commerciales. L’usage ne peut être seulement interne, ni purement formel.
Sont considérés comme des indices probants d’un usage réel :
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l’émission de devis, factures ou contrats portant le nom commercial ;
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la présence du nom sur le site internet, les réseaux professionnels ou l’enseigne de l’établissement ;
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des documents de communication (plaquettes, signatures de mail, courriers) diffusés aux clients ou partenaires ;
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des mentions dans des publications professionnelles ou annuaires d’activité.
À l’inverse, le simple fait que le nom figure encore dans les statuts ou au registre du commerce n’est pas suffisant. Ce sont les preuves concrètes d’une exploitation active qui comptent.
L’abandon : comment le droit s’éteint
Le nom commercial peut être perdu dans plusieurs cas de figure courants :
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changement volontaire de nom sans prévoir de clause de réserve dans un acte de cession ;
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cessation temporaire ou définitive de l’activité (mise en sommeil, liquidation) sans transfert du nom ;
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désintérêt progressif pour le nom, remplacé dans la communication par une autre dénomination ;
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oubli ou négligence à la suite d’une restructuration juridique.
Le nom peut alors être repris par un tiers, sans que cela constitue une faute.
Les conséquences juridiques
La perte du droit au nom commercial peut entraîner des situations contentieuses délicates :
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Impossibilité d’agir en concurrence déloyale : sans usage actuel, le juge rejette l’action, même si le nom a été antérieurement exploité.
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Reprise licite par un concurrent : un tiers qui commence à utiliser le nom, s’il est de bonne foi, bénéficie d’une liberté totale.
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Dépôt du nom comme marque par un tiers : en l’absence d’exploitation actuelle, l’ancien exploitant ne peut s’opposer à l’enregistrement auprès de l’INPI.
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Perte d’un actif immatériel : le nom peut représenter une part importante de la valeur d’un fonds. Sa perte impacte directement la valorisation de l’entreprise.
Il s’agit donc moins d’un risque théorique que d’une perte économique tangible.
Quelle durée d’inactivité suffit à faire perdre le droit ?
Le droit au nom commercial n’est pas soumis à un délai fixe, à la différence de la marque (déchéance après cinq ans). Toutefois, les juridictions retiennent généralement qu’une inactivité prolongée de plusieurs années suffit à faire perdre la capacité à revendiquer l’usage exclusif du nom.
Ce qui compte, ce n’est pas une date butoir, mais le moment du conflit : au jour où le tiers adopte ou dépose le nom, l’ancien titulaire doit être capable de démontrer qu’il l’utilisait encore. À défaut, il ne peut revendiquer aucun droit.
Peut-on relancer le droit après interruption ?
Si l’usage a été interrompu pendant plusieurs années, le simple fait de « recommencer à exploiter » le nom ne permet pas de récupérer rétroactivement le droit perdu. Ce nouvel usage peut fonder un nouveau droit, mais il ne permet pas d’interdire à un tiers de continuer à exploiter le nom s’il a commencé à le faire pendant la période d’abandon.
C’est une limite importante : le droit au nom commercial ne se met pas en pause. Il se conserve uniquement par l’usage.
Comment éviter la perte du nom commercial ?
Quelques précautions permettent de sécuriser l’exploitation et d’éviter une perte silencieuse :
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continuer à utiliser le nom de manière visible dans les supports professionnels ;
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en cas de changement, formaliser la cession ou la réserve d’usage dans un acte écrit ;
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surveiller régulièrement l’apparition de sociétés concurrentes ou de dépôts INPI ou EUIPO ;
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envisager, si le nom est stratégique, un dépôt à titre de marque, en complément de l’usage commercial.
Ces mesures simples permettent de maintenir un droit effectif et de se prémunir contre les risques de déchéance.
Conclusion
Le nom commercial est un actif incorporel précieux, mais sa protection repose exclusivement sur son exploitation effective et constante. Lorsqu’il cesse d’être utilisé, même temporairement, le droit s’éteint. L’entreprise se retrouve alors dépourvue de recours si un tiers s’en empare, sans nécessairement agir de mauvaise foi.
Il est donc essentiel d’intégrer cette réalité juridique dans la gestion des signes distinctifs de l’entreprise. Un nom, même reconnu et historiquement fort, ne vaut juridiquement que s’il vit. Et lorsqu’il meurt, la reprise par autrui devient un risque — ou une certitude.
L’avis d’un avocat
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