Prescription en matière de droit d’auteur : la Cour de cassation précise les règles dans l’affaire Black Eyed Peas

La Cour de cassation a rendu, le 3 septembre 2025 (Civ. 1re, 3 septembre 2025, n° 23-18.669), une décision attendue en matière de prescription des actions en contrefaçon de droits d’auteur. Cette affaire opposant des auteurs français au groupe mondialement connu The Black Eyed Peas offre des enseignements essentiels pour les créateurs et les titulaires de droits.

Les faits : le générique de code lyoko face au hit des black eyed peas

Les auteurs de la chanson Un monde sans danger, générique du dessin animé Code Lyoko, et de sa version anglaise A world without danger, ont assigné en 2018 le groupe The Black Eyed Peas et plusieurs maisons de disques.

Ils reprochaient au titre Whenever, extrait de l’album The Beginning (2010), de reprendre des éléments de leur œuvre.

La question n’était pas seulement de savoir s’il y avait contrefaçon, mais aussi si l’action n’était pas prescrite.

La prescription en droit d’auteur : un délai de 5 ans

L’article 2224 du code civil prévoit que les actions personnelles, dont l’action en contrefaçon de droits d’auteur, se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits permettant d’agir.

Dans cette affaire, la cour d’appel de Paris avait jugé que les auteurs avaient eu connaissance des faits dès 2011, lorsqu’ils avaient adressé une mise en demeure aux producteurs et éditeurs du titre litigieux. Selon les juges du fond, l’action engagée en 2018 était donc prescrite, peu important que la chanson soit encore disponible en 2018 sur des plateformes de streaming et de téléchargement.

La position de la Cour de cassation : chaque acte distinct fait courir un nouveau délai

La Cour de cassation casse cet arrêt. Elle rappelle un principe fondamental :

  • lorsque la contrefaçon résulte d’une succession d’actes distincts (par exemple, chaque nouvelle diffusion, chaque nouvelle mise en ligne, chaque nouvelle exploitation commerciale), le délai de prescription repart pour chacun de ces actes ;
  • en revanche, si l’on est en présence d’un acte unique prolongé dans le temps, le délai court une seule fois, dès la connaissance initiale.

Autrement dit, la mise en ligne d’une chanson, sa vente continue, sa diffusion sur les plateformes de streaming ou sa réédition peuvent constituer autant d’actes de contrefaçon distincts, ouvrant à chaque fois un nouveau délai de 5 ans.

Un enjeu pratique majeur pour les auteurs et ayants droit

Cet arrêt confirme l’importance, pour les auteurs, compositeurs, éditeurs et producteurs, de surveiller en continu l’exploitation de leurs œuvres. La prescription en matière de droit d’auteur ne se limite pas à la première publication ou à la première reproduction litigieuse : chaque nouvelle exploitation peut rouvrir la possibilité d’agir.

Ainsi, un artiste qui découvre qu’une œuvre inspirée de la sienne est toujours diffusée en ligne plusieurs années après sa sortie peut encore intenter une action en contrefaçon, à condition de se situer dans le délai de cinq ans à compter du dernier acte identifié.

Conclusion : une décision protectrice des créateurs

La décision de la Cour de Cassation du 3 septembre 2025 s’inscrit dans une logique de protection renforcée des créateurs face aux pratiques de diffusion numérique qui prolongent dans le temps l’exploitation des œuvres. Elle clarifie le point de départ de la prescription en matière de contrefaçon et rappelle que chaque diffusion illégale constitue une atteinte nouvelle.

Pour les artistes, éditeurs ou héritiers d’auteurs, cet arrêt est une invitation à rester vigilants et à envisager une action même plusieurs années après la sortie d’une œuvre concurrente, dès lors que des actes récents de diffusion ou de commercialisation subsistent.

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