Usurpation de nom commercial par un concurrent : que faire ?

Le nom commercial, un actif à part entière

Dans la vie des affaires, le nom sous lequel une entreprise est connue de ses clients n’est pas une simple formalité. Qu’il s’agisse d’un nom de fantaisie, d’un acronyme, d’un nom patronymique ou d’un terme évocateur, le nom commercial constitue un élément essentiel de l’identité économique d’une structure. Il crée un lien avec le public, il porte une réputation et attire une clientèle.

Ce nom, qui peut être utilisé indépendamment de la dénomination sociale ou de la marque, est protégé par l’usage. Il n’est pas toujours nécessaire de le déposer. Dès lors qu’il est utilisé publiquement et de manière constante, il devient opposable aux tiers. Cette protection n’est pas théorique : elle est juridiquement invocable contre toute société qui, sans droit, s’en empare ou l’imite de manière trompeuse.

L’usurpation : formes fréquentes

L’usurpation d’un nom commercial prend généralement des formes très concrètes :

  • une société concurrente s’immatricule sous un nom très proche du vôtre, dans le même secteur d’activité ou un secteur connexe ;
  • un tiers ouvre un site internet ou crée un profil professionnel avec une dénomination identique ou voisine, créant une confusion dans l’esprit du public ;
  • votre nom figure sur des supports de communication émis par une société avec laquelle vous n’avez aucun lien.

Ce phénomène est loin d’être rare. Il peut intervenir à l’occasion d’une création d’entreprise, d’une reprise de fonds, ou d’une volonté délibérée de profiter d’une notoriété préexistante. Les conséquences sont lourdes : perte de clientèle, détérioration d’image, risques de contentieux avec vos propres clients.

Le fondement juridique : la concurrence déloyale

En droit français, la protection du nom commercial usurpé repose sur l’action en concurrence déloyale, issue de l’article 1240 du Code civil (anciennement 1382). Il s’agit d’un fondement souple, non formaliste, qui permet de sanctionner tout comportement fautif causant un préjudice à une entreprise.

Trois éléments doivent être réunis :

  • un usage antérieur du nom commercial par l’entreprise victime ;
  • un comportement fautif de la société adverse (en général : imitation ou reprise du nom) ;
  • un préjudice résultant d’un risque de confusion, notamment dans l’esprit de la clientèle.

L’usage antérieur : élément-clé de la protection

Contrairement à une marque, le nom commercial n’a pas besoin d’être enregistré. Mais il doit être effectivement utilisé au moment du litige, et ce antérieurement à la date d’adoption contestée.

L’usage peut être prouvé par tout moyen : courriers, devis, factures, extraits de site internet, publications, correspondance électronique… Ce sont les faits qui fondent le droit.

La faute : l’imitation ou l’appropriation du nom

La faute peut résider dans l’adoption à l’identique du nom commercial, ou dans une imitation suffisante pour créer une confusion. Le critère est celui de l’effet produit : le nom adopté par le concurrent induit-il en erreur une partie du public, même de manière marginale ?

La Cour de cassation affirme que l’action en concurrence déloyale suppose l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public, et que celui-ci peut exister même si les activités des deux entreprises ne sont pas rigoureusement identiques (Cass. com., 11 mars 1981, n° 79-13.368 ).

Le préjudice : confusion et détournement de clientèle

Le dommage résultant de l’usurpation peut prendre plusieurs formes :

  • perte directe de clientèle (clients contactant l’entreprise concurrente en croyant s’adresser à vous) ;
  • atteinte à la réputation, notamment si le concurrent adopte des pratiques peu rigoureuses ;
  • difficultés de référencement en ligne, si le nom est détourné à des fins de visibilité ;
  • référencement Google et annuaires professionnels faussé, qui détourne les demandes vers un tiers.

La jurisprudence admet que le seul trouble commercial suffit à caractériser un préjudice ouvrant droit à réparation.

Quelle procédure engager ?

1. Lettre de mise en demeure

Dans un premier temps, une mise en demeure ferme et motivée, adressée par votre avocat, peut suffire à obtenir le retrait du nom litigieux. Elle rappelle les fondements juridiques et la jurisprudence applicable, l’antériorité, et expose les conséquences judiciaires en cas d’inaction.

2. Action judiciaire au fond

En l’absence de réponse ou en cas de refus, il convient de saisir le tribunal compétent pour connaître des litiges en concurrence déloyale. Il s’agit d’une action en responsabilité civile. L’action peut viser à obtenir :

  • l’interdiction de l’usage du nom usurpé (sous astreinte) ;
  • des dommages-intérêts en réparation du préjudice économique ;
  • éventuellement, une publication judiciaire, notamment sur les sites ou réseaux sociaux du concurrent.

3. Procédure en référé (urgence/évidence)

Si la confusion est avérée et le trouble manifeste, une procédure en référé peut être introduite pour obtenir une mesure d’interdiction immédiate, dans l’attente du jugement au fond.

Quelle articulation avec la marque?

Il est possible que le nom commercial soit également utilisé comme marque. Dans ce cas, une action en contrefaçon peut être cumulée avec l’action en concurrence déloyale. Mais même en l’absence de dépôt, le nom commercial est protégé par lui-même, dès lors qu’il est exploité.

Conseil pratique : protéger et surveiller son nom

Faites figurer systématiquement le nom commercial sur vos documents officiels, vos devis, vos supports numériques. Pensez à vérifier régulièrement l’existence de sociétés nouvellement immatriculées utilisant des noms proches. En cas de litige, n’attendez pas : le maintien prolongé d’une confusion peut affaiblir la preuve d’une préjudice.

L’usurpation d’un nom commercial ne doit jamais être prise à la légère. Elle touche à la réputation, à la confiance de la clientèle, et peut causer des dommages réels. La jurisprudence française reconnaît pleinement l’efficacité de l’action en concurrence déloyale dans ce domaine, sans exiger de formalité préalable. Le droit protège l’usage, pourvu qu’il soit prouvé, constant, et antérieur. En cas de doute ou de conflit, une consultation rapide permet de qualifier les faits et d’envisager une réponse proportionnée, qu’elle soit amiable ou judiciaire.

L’avis d’un avocat

Un avocat expert en droit des marques et signes distinctifs peut vous accompagner et vous aider à faire valoir vos droits.

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