Le secteur de la mode, souvent perçu comme un univers de créativité, est confronté au défi majeur de la contrefaçon, qui représente une menace directe pour l’économie, l’emploi et surtout, pour l’innovation.
La protection juridique des créations devient donc cruciale. Les marques, des maisons de haute couture aux jeunes créateurs, s’appuient sur le droit d’auteur et le droit des modèles pour défendre leurs designs originaux.
La décision de la Cour d’appel de Paris du 11 juillet 2025 fournit une illustration intéressante de l’importance de cette protection en sanctionnant la contrefaçon d’une pièce emblématique : les sandales Oran d’Hermès.
Une double bataille juridique : Droit d’auteur vs. Droit des modèles
L’affaire a été menée sur deux fronts distincts : la contrefaçon de droits d’auteur et la contrefaçon de dessins et modèles.
Victoire sur le terrain du droit d’auteur et rappel du principe de l’unité de l’art
La cour a statué qu’Hermès était bien titulaire des droits d’auteur sur ses sandales “Oran” et “Izmir”. Pour cela, elle a estimé que leur design, avec sa semelle plate et sa tige découpée de façon à dessiner un H stylisé, présentait une “singularité incontestable” qui n’était pas retrouvée dans les modèles antérieurs invoqués. Cet arrêt illustre parfaitement le principe juridique de l’unité de l’art, selon lequel une œuvre d’art appliqué comme une sandale peut être protégée par le droit d’auteur au même titre qu’une œuvre plus traditionnelle, pour peu qu’elle soit originale.
Le jugement a ensuite porté sur l’analyse de la contrefaçon, se basant sur le principe que les ressemblances, et non les différences, doivent être au centre de l’appréciation. La cour a conclu que deux références de sandales commercialisés par la société attaquée reproduisaient l’élément central et distinctif du design Hermès : la forme en H stylisé de la tige. Pour la cour, cette reprise était suffisante pour caractériser la contrefaçon.
Échec sur le terrain du droit des modèles : des critères distincts
Contrairement au droit d’auteur, la cour a rejeté les demandes d’Hermès fondées sur la contrefaçon de ses dessins et modèles de sandale. Si un créateur peut déposer son design à la fois comme œuvre de l’esprit (droit d’auteur) et comme modèle industriel (droit des modèles), les critères d’appréciation pour la contrefaçon de chacun sont distincts.
Ici, le tribunal a estimé que les produits contrefaisants ne créaient pas la même “impression visuelle d’ensemble” sur l’observateur averti, qui est le critère clé en droit des modèles. La cour a relevé des différences notables entre le modèle déposé et les sandales litigieuses, notamment la surface de la tige (grenue et brillante, couverte de strass), les coutures plus apparentes et la semelle matelassée. Ces variations ont été jugées suffisantes pour que les copies se distinguent du modèle original aux yeux d’un consommateur avisé.
La fabrication et commercialisation des sandales en cause ne portaient donc atteinte qu’aux droits d’auteur de la société Hermès.
Par ailleurs, d’autres demandes fondées sur la concurrence déloyale et le parasitaire étant présentées à titre subsidiaire, dans le cas où la cour ne retiendrait pas l’existence d’actes de contrefaçon. Elle n’a pas eu à statuer sur ce point.
Dommages-intérêts : une sanction qui répare le préjudice et dissuade la copie
La cour a condamné les sociétés poursuivies à verser un montant d’environ 25 000 € à Hermès pour les dommages subis.
Cette somme couvre plusieurs préjudices :
- Le manque à gagner : La perte financière liée aux ventes illicites.
- Le préjudice moral : La commercialisation de copies à bas prix a banalisé et porté atteinte à l’image de prestige et de luxe de la marque.
- Les économies d’investissement : Les contrefacteurs ont illégalement profité des investissements en création et promotion d’Hermès.
Même les designs les plus simples et épurés, s’ils sont le fruit d’une démarche créative et sont “singuliers”, peuvent être ainsi protégés.
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