Réservation du nom de domaine d’un concurrent : le nom générique n’est pas appropriable

Dans une décision du 3 mars 2021 (CA Riom, 3 mars 2021, n° 19/01005), la Cour d’appel de Riom a refusé d’ordonner le transfert d’un nom de domaine au profit de la société qui avait omis de le renouveler, et avait ainsi permis à son concurrent de le réserver à sa place.

Un signe distinctif appropriable

Par principe, le nom de domaine est un signe distinctif susceptible d’appropriation, dont la reproduction ou l’imitation par un tiers peut être jugée illicite.

Ainsi, le titulaire d’un nom de domaine peut agir contre tout tiers, sur le fondement de la concurrence déloyale, afin de faire cesser l’usage non autorisé de son signe sous diverses formes (marque, nom de domaine tiers, nom de société, etc.).

Une faute sera ainsi caractérisée s’il parvient à démontrer que l’usage du signe (nom de domaine), à l’identique ou par imitation, génère un risque de confusion dans l’esprit du public et de la clientèle.

Nom de domaine générique

Toutefois, dans certains cas, une telle utilisation ne pourra pas être sanctionnée. C’est le cas en particulier lorsque la dénomination reproduite ou imitée est « générique ». C’est ce qu’illustre l’arrêt d’appel susvisé.

En l’espèce, la société L’ATELIER exploitait depuis 2011 les noms de domaine <procouteaux.fr> et <procouteaux.com>.

En 2014, n’étant pas parvenue à renouveler le nom de domaine <procouteaux.fr>, celui-ci avait été rendu disponible et avait été réservé par une société concurrente.

La société L’ATELIER avait sollicité le transfert du domaine auprès de l’AFNIC (Association française pour le nommage Internet en coopération) dans le cadre d’une procédure SYRELI (Système de Résolution des Litiges), mais sa demande avait été rejetée.

A l’occasion d’un contentieux judiciaire intenté par sa concurrente, la société L’ATELIER avait renouvelé sa demande de transfert du nom de domaine. L’affaire a été portée devant la Cour d’appel de Riom.

A l’appui de sa demande, L’ATELIER soutenait que sa concurrente avait réservé le nom de domaine litigieux pour détourner le trafic de son site internet.

En première instance comme en appel, les juges n’ont pas suivi son raisonnement et ont rejeté ses demandes.

Pour la Cour d’appel saisie, « la société L’ATELIER ne peut valablement se prévaloir de la protection de son nom de domaine www.procouteaux.com et du nom commercial PRO COUTEAUX s’agissant d’un nom générique et descriptif de l’activité de la société. »

Ainsi, pour les juges, la réservation d’un nom de domaine générique reproduisant celui d’un concurrent (ou anciennement détenu par celui-ci) ne peut être considéré comme fautive.

Il n’est donc pas possible, pour celui qui fait usage d’un nom de domaine, de revendiquer un monopole d’exploitation sur ce signe lorsqu’il ne fait que décrire ses activités (telles qu’elles se matérialisent dans le contenu même du site associé au nom de domaine).

Nom de domaine distinctif

Il en aurait probablement été autrement pour un nom de domaine plus original.

A titre d’exemple, en 2016, une société spécialisée dans la vente d’instruments à vents a obtenu la condamnation en concurrence déloyale d’une société concurrente qui avait réservé son nom de domaine « lesventsdunord.fr » immédiatement après que celui-ci soit tombé dans le domaine public, la société demanderesse ayant omis de procéder à son renouvellement (Cass. com. 2 février 2016, n° 14-20.486).

A l’image des règles applicables au droit des marques, le caractère distinctif de la dénomination choisie apparait déterminant. Plus le terme retenu est distinctif, et moins il est descriptif de l’activité de celui qui l’exploite, plus il sera simple de s’en réserver l’usage.