Contrefaçon de marque et absence de risque de confusion

CA Bordeaux, 20 février 2024, N° RG 21/02628 – S.A.R.L. Aloha c. S.A.S. Pizza Loah

La Cour d’Appel de Bordeaux a rendu, le 20 février 2024, un arrêt confirmant la décision du Tribunal Judiciaire de Bordeaux dans le cadre d’une affaire de contrefaçon de marque opposant deux pizzerias, l’une exploitant la marque verbale « Aloha Pizza » et l’autre la dénomination sociale et le nom commercial « Pizza Loah ».

Faits et procédure

La S.A.R.L. Aloha, active depuis 2004 dans la vente de pizzas à emporter, avait enregistré la marque « Aloha Pizza » en 2009, désignant les classes 16, 30 et 32, en particulier des produits alimentaires et des boissons. La société Aloha reprochait à la société Pizza Loah d’exploiter une activité similaire sous une dénomination sociale (et une enseigne) ayant une similitude phonétique et visuelle importante avec sa marque, créant selon elle un risque de confusion pour le consommateur.

En mai 2019, la société Aloha assigne Pizza Loah devant le Tribunal de Grande Instance de Bordeaux, lui reprochant la contrefaçon par imitation de sa marque « Aloha Pizza ». Par jugement du 23 février 2021, le Tribunal judiciaire de Bordeaux déboutait la société Aloha de sa demande.

La société Aloha interjetait appel de cette décision.

Position de la Cour d’appel

Dans son arrêt, la Cour d’Appel de Bordeaux rappelle que l’atteinte au droit du titulaire de la marque est caractérisée lorsqu’un signe identique ou similaire à une marque est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires, et qu’il existe un risque de confusion pour le consommateur.

Appréciation du risque de confusion

La Cour de Bordeaux, après avoir rappelé les critères classiques d’appréciation (similitude phonétique, visuelle et conceptuelle), retient que les signes « Aloha Pizza » et « Pizza Loah » ne créent pas un risque de confusion pour le consommateur moyen, au terme de l’analyse suivante :

  1. Similitude phonétique :
    • La Cour souligne une distinction phonétique marquée entre les deux signes. En effet, la dénomination « Pizza Loah » est perçue par le consommateur comme une combinaison de syllabes relativement distinctes, tandis que « Aloha Pizza » est articulée de manière plus claire, avec une séparation nette des syllabes « A / LO / HA ». L’utilisation de voyelles successives dans « Loah » et la présence de la consonne « L » en début de la première syllabe dans « Aloha » génère une distinction phonétique suffisante.
  2. Similitude visuelle :
    • Visuellement, bien que les deux dénominations partagent des lettres communes et une structure similaire, la Cour constate que l’attention du consommateur serait attirée par la disposition et la longueur des signes, qui diffèrent sensiblement.

      De plus, la voyelle d’attaque « A » dans « Aloha Pizza » joue un rôle distinctif, ce qui renforce la distinction visuelle entre les deux signes.

  3. Similitude conceptuelle :
    • La Cour souligne que, bien que les deux signes renvoient à une thématique commune des îles et des produits exotiques, le concept véhiculé par « Aloha Pizza » est davantage lié à un appel téléphonique (« Allo » en français), tandis que « Pizza Loah » renvoie principalement à un concept sans signification particulière. Cette distinction conceptuelle réduit encore le risque de confusion.

En conséquence, la Cour juge que les éléments de comparaison ne suffisent pas à établir un risque de confusion dans l’esprit du consommateur moyen.

L’absence de notoriété de la marque

La Cour relève également un autre facteur déterminant : l’absence de notoriété avérée de la marque « Aloha Pizza » dans la zone géographique où opère la société Pizza Loah (à savoir, un rayon de 250 à 300 km). En l’absence d’une telle notoriété, le risque de confusion est d’autant plus limité.

Conclusion et décision

La Cour d’Appel de Bordeaux confirme donc la décision du Tribunal de première instance, rejetant toutes les demandes de la société Aloha. Elle rappelle que, en matière de contrefaçon, il n’est pas suffisant de démontrer des similitudes entre les signes, mais il faut également établir un risque réel de confusion dans l’esprit du public.

En conséquence, la Cour confirme que la société Pizza Loah n’a pas commis d’actes de contrefaçon, et elle condamne la société Aloha à payer 5 000 euros à la société Pizza Loah au titre des « frais irrépétibles ».