L’utilisation d’un nom de famille sans autorisation est-il légal ?

Les noms de famille sont fréquemment employés dans la vie des affaires et sont parfois source de contentieux entre ceux qui les portent et ceux qui les exploitent.

Dans quelle mesure un nom de famille (ou un nom complet) peut-il être exploité par des tiers à des fins commerciales ?

Au regard du droit des marques

Dépôt de marque en présence d’un nom déjà utilisé

Le nom enregistré à titre de marque française ou de l’Union européenne doit respecter la condition de disponibilité, qui implique que le nom déposé ne porte pas atteinte à un droit antérieur détenu par un tiers.

En effet, il est possible que le nom soit déjà exploité par un tiers à titre de marque, de dénomination sociale, de nom de domaine, de nom commercial…

Cet usage antérieur peut donc fonder une interdiction d’exploitation concurrente du nom de famille, empêchant celui qui le porte d’exploiter son propre nom pour exercer une activité concurrente, c’est-à-dire pour désigner des produit ou service identiques ou similaires (principe de spécialité).

Rien ne semble ainsi distinguer le nom/patronyme, au regard du droit des marques, d’une dénomination « classique » qui ne renvoie pas à un individu ou à une famille (nom commun, néologisme…).

Le nom de famille peut d’ailleurs lui même, en tant que tel (en tant qu’attribut de la personnalité), constituer une antériorité opposable sans même être exploité à titre de marque, de dénomination sociale, de nom de domaine..

Le Code de la propriété intellectuelle (CPI) prévoit en effet que ne peut être valablement enregistrée une marque portant atteinte à « un droit de la personnalité d’un tiers, notamment à son nom de famille » (Article L711-3 du CPI).

C’est ainsi que des descendants de Gustave Eiffel ont obtenu en 2022 l’annulation de 5 marques reproduisant leur nom qui avaient été déposées par un membre de leur famille sans leur autorisation.

Dans ces cas de figure, l’annulation de la marque est toutefois intimement liée à la notoriété du nom de famille (voir plus bas).

Usage du nom en présence d’une marque antérieure

Lorsque le nom a déjà été déposé à titre de marque par un tiers (un homonyme par exemple), son porteur peut il tout de même utiliser son nom pour exerce une activité similaire ?

Par principe (ou plutôt par exception) oui.

Le CPI prévoit en effet que l’enregistrement d’une marque ne permet pas à son titulaire d’interdire à un tiers l’usage, dans la vie des affaires et conformément aux usages loyaux du commerce, de son nom de famille (Article L. 713-6 du CPI).

L’usage de son propre nom de famille est donc possible, même en présence d’une marque valablement enregistrée, si toutefois il n’est pas guidé par la volonté de générer une confusion dans l’esprit du public ou encore de parasiter son concurrent titulaire de la marque.

La solution devrait être la même pour les autres types de signes antérieurs : dénomination sociale, nom commercial, enseigne…

Le nom de l’associé fondateur de la société

Il est courant que les fondateurs de sociétés emploient leur propre nom à titre de dénomination sociale.

Ces mêmes fondateurs, associés, dirigeants peuvent être conduits à quitter leurs fonctions et à céder leurs parts.

En principe, lorsque le porteur du nom de famille a autorisé et consenti à ce que la structure exploite ce nom dans la vie des affaires, celui-ci se « détache » de son porteur, de sorte que ce dernier ne peut plus s’opposer à son exploitation ultérieure par la société, même après son départ (Cour d’appel de Paris, 9 oct. 1985 ; Cass. com., 12 juin 2007, n° 06-12.244).

Il n’a donc pas la faculté de révoquer unilatéralement son engagement, lequel est valable pour la durée de vie de la société.

S’opère ainsi, en quelque sorte, une translation de propriété incorporelle au profit de la personne morale qu’est la société, sans toutefois interdire au(x) porteur(s) de nom d’exploiter son(leur) patronyme de manière loyale (hors cas de concurrence déloyale donc, c’est-à-dire généralement pour exercer une activité distincte).

En effet, l’inclusion d’un nom de personne physique dans la dénomination sociale de la personne morale constitue un véritable acte juridique et non une simple tolérance factuelle. Il en résulte plusieurs conséquences juridiques.

Lorsqu’il n’exerce plus de fonction dans l’entreprise ou qu’il perd sa qualité d’associé, le fondateur ne peut donc pas solliciter que celle-ci cesse l’usage de son nom.

L’associé fondateur pourra toutefois organiser contractuellement les conséquences juridiques de son départ et prévoir l’obligation pour la société de cesser l’exploitation de son nom, le principe de liberté contractuelle prédominant en la matière.

Les noms « notoirement connus »

L’exploitation d’une dénomination qui se trouverait fortuitement être le nom d’une personne physique ne peut justifier à elle seule que son porteur s’y oppose (nom banal par exemple).

Par exception, les individus qui parviennent à démontrer une utilisation fautive de leur nom peuvent interdire leur usage.

C’est le cas en particulier lorsque le porteur du nom peut justifier d’une atteinte à sa vie privée (article 9 du Code civil, étendu par la jurisprudence au « droit au nom ») ou, plus fréquemment, d’un usage déloyal du nom (article 1240 du Code civil).

Dans ce dernier cas, ce sont les notion de « risque de confusion » et de « parasitisme » qui permettront de déterminer si celui qui utilise le nom sans autorisation commet une faute.

Il s’agit pour l’essentiel des situations dans lesquelles sont exploités des noms notoirement connus.

Dans ces cas de figure, la jurisprudence recherche notamment la finalité de l’usage du nom et évalue le risque de confusion dans l’esprit du public.

Ainsi, si le nom (par hypothèse celui d’une célébrité ou d’une personne jouissant dans son domaine d’une certaine renommée) n’est exploité que dans un but mercantile, son usage sans autorisation expresse de l’intéressé pourra être constitutif d’une faute.

Il en sera de même lorsque le public et les tiers pourraient être conduits à croire que le porteur du nom est économiquement lié à la société qui en fait usage (relation contractuelle, partenariat…).

***

Pour toute question ou besoin d’accompagnement en matière de contentieux de noms, vous pouvez me contacter par mail à nb@bressand-avocat.fr ou par téléphone au 06 37 48 10 81.