Cour d’appel de Paris, 25 janv. 2023, arrêt n°19/15256
La Cour d’appel de Paris a récemment jugé qu’une clause de cession de droits d’auteur figurant dans le contrat de travail d’une styliste était valable dès lors que les œuvres futures étaient « déterminables et individualisables ».
En l’espèce, une styliste de mode avait assigné son employeur auquel elle réclamait une rémunération complémentaire (distincte de ses salaires) en contrepartie de l’exploitation qui avait été faite de ses oeuvres (créations et articles de mode), estimant que la clause de son contrat de travail emportant cession des droits d’auteur à l’employeur était nulle.
L’article L131-1 du Code de la propriété intellectuelle dispose en effet depuis 1992 que « La cession globale des oeuvres futures est nulle. »
La clause figurant dans le contrat de travail prévoyait que la styliste « cède à titre exclusif à l’Employeur l’ensemble des droits de propriété intellectuelle […] relatifs aux créations réalisées dans le cadre du présent contrat, au fur et à mesure de leur réalisation » et listait ces droits (droits de reproduction, de représentation, de distribution…).
Pour la Cour d’appel de Paris, « une telle clause n’est pas nulle dès lors qu’elle délimite le champ de la cession à des oeuvres déterminables et individualisables à savoir celles réalisées par la salariée dans le cadre du contrat de travail et au fur et à mesure que ces œuvres auront été réalisées. Ainsi, la clause de cession n’encourt pas le grief de cession globale d’oeuvres futures puisqu’elle ne vise pas globalement les oeuvres objet de la cession en outre, elle ne porte pas sur des oeuvres futures mais sur des oeuvres réalisées, la cession n’opérant qu’au fur et à mesure de la réalisation. »
La solution retenue par les juges d’appel n’est pas exempte de critiques dans la mesure où les oeuvres « réalisées par la salariée dans le cadre du contrat de travail » « au fur et à mesure » s’entendent bien de toutes les oeuvres futures créées par la styliste, quelles qu’elles soient. Il s’agit donc bien d’une cession « globale » (toutes les œuvres à venir étant concernées) des « œuvres futures » (entendues comme toutes celles qui seront créées par la styliste dans le cadre de son contrat de travail).
A défaut de précision supplémentaire dans le contrat de travail ou dans d’éventuels avenants, les oeuvres en cause étaient difficilement « déterminables et individualisables » avant même leur réalisation, contrairement à ce qu’a retenu la cour.
Cette décision semble donc vider de sa portée juridique et de son sens l’article L131-1 du Code de la propriété intellectuelle.
En application de cette solution, une clause prévoyant que toutes les œuvres créées par un salarié sont automatiquement cédées à son employeur « au fur et à mesure de leur réalisation » (puisque c’est cette expression qui semble avoir été déterminante ici), sans autre précision et sans prévoir de contrepartie à cette cession, serait donc valable (à noter que la Cour a relevé que la styliste était intéressée au résultat de son employeur par la perception de dividendes, ce qui ne saurait pourtant être interprété comme une contrepartie à la cession de ses droits d’auteur).
Il est probable que la Cour de cassation, qui sera très probablement saisie de cette question dans les mois qui viennent, adoptera une position différente de celle des juges du fond.