A l’issue d’une relation contractuelle de travail, il n’est pas rare qu’un salarié crée sa propre structure et devienne un concurrent direct de son ancien employeur.
Le principe : la liberté de concurrence
Le principe de la liberté du commerce et de l’industrie, proclamé par la loi des 2 et 17 mars 1791, est une règle de valeur constitutionnelle. Il a pour corollaire le principe de libre concurrence.
Tout professionnel peut, en vertu de ce principe, attirer à lui la clientèle de ses concurrents, sans que ceux-ci puissent le lui reprocher.
Ce principe est donc applicable à l’ancien salarié qui :
- crée une société concurrente : « Il était loisible à Monsieur B., en l’absence de clause de non-concurrence valable dans son contrat de travail, d’exercer après la fin de son contrat une activité concurrente de celle de son ancien employeur, de créer une société exerçant une activité concurrente, de démarcher la clientèle de son concurrent et même le cas échéant, de prendre une part de cette clientèle dans le cadre du jeu normal de la concurrence. » (Cour d’appel, Versailles, 21 Octobre 2010, n° 09/05503) ;
- est débauché par un concurrent de son ancien employeur : « la simple embauche, dans des conditions régulières, d’anciens salariés d’une entreprise concurrente, n’est pas en elle-même fautive » (Cass. com., 29 janv. 2008, n° 06-18.654 ; Cass. com., 26 mai 2009, n° 08-10.422).
Clause de non-concurrence
Il est toutefois admis que la possibilité pour un ancien salarié de faire concurrence à l’entreprise qu’il quitte soit encadrée et limitée par une clause de son contrat de travail.
La clause de non-concurrence permet ainsi d’interdire à un ancien salarié, après la rupture de son contrat de travail, l’exercice de certaines activités professionnelles chez une entreprise concurrence ou à son compte.
Pour pouvoir être opposée à un ancien salarié, encore faut-il qu’une telle clause soit valable.
Pour être licite, une clause de non-concurrence doit respecter certaines conditions fixées par la loi et la jurisprudence. Elle doit notamment être écrite, limitée dans le temps et dans l’espace et justifiée par un motif légitime. Elle doit également prévoir le versement d’une contrepartie pécuniaire pour le salarié, etc.
Actes de concurrence déloyale
Toutefois, même en l’absence de clause de non-concurrence valide, un ancien salarié ne peut concurrencer son ex-employeur en usant de manœuvres ou de procédés déloyaux.
Tout acte de concurrence déloyale engage la responsabilité civile de celui qui le commet et est sanctionné sur le fondement de l’article 1240 du Code civil : « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».
L’acte de concurrence déloyale s’entend d’un comportement contraire aux usages pratiqués dans les milieux commerciaux honnêtes. La jurisprudence le définit comme « l’abus de la liberté du commerce, causant volontairement ou non, un trouble commercial » (Cass. com, 22 octobre 1985).
Seront notamment susceptibles de caractériser des actes de concurrence déloyale, le fait pour l’ancien salarié :
- de détourner la clientèle de son ancien employeur (démarchage systématique de tous les clients) ;
- de détourner et d’utiliser des données stratégiques ou des secrets commerciaux obtenus dans le cadre de ses anciennes fonctions : fichiers clients, liste des tarifs ou toute autre information procurant un avantage concurrentiel ;
- de dénigrer son ancien employeur, à l’égard notamment de la clientèle ;
- de débaucher des salariés de son ancien employeur dès lors qu’ils occupent des postes clés ou que le nombre et la simultanéité des débauchages démontrent une intention déloyale ou désorganise l’entreprise qui en est victime ;
- de créer un risque de confusion avec la structure de l’ancien employeur : confusion entre les signes distinctifs (noms de domaines, dénomination sociale…), copie des documents commerciaux, imitation des produits ou des services.
- etc.
Seule la démonstration d’une telle faute permettra d’engager la responsabilité civile d’un ancien salarié sur le terrain de la concurrence déloyale.