Responsabilité sur internet : Airbnb est un éditeur de contenus

(Tribunal judiciaire de Paris, jugement du 5 juin 2020, Mme X. / Mme Y. & AIRBNB IRELAND)

La Loi pour la confiance dans l’économie numérique du 21 juin 2004 (LCEN) distingue deux régimes de responsabilité applicables aux prestataires internet :

  • l’éditeur de contenu, entendu comme celui qui a un rôle actif dans la création et le choix du contenu mis en ligne, est directement responsable des contenus publiés ;
  • l’hébergeur de contenu, entendu comme celui qui fournit une prestation de stockage du contenu, mais sans créer ni choisir ce contenu, et qui se contente de mettre à disposition ses serveurs/sa plateforme, bénéficie d’un régime de responsabilité limitée. Il ne sera jugé déclaré responsable que si, après signalement, il n’a pas procédé promptement à la suppression du contenu.

Il est fréquent que les prestataires internet revendiquent la qualité d’hébergeur pour contester toute responsabilité s’agissant des contenus mis en ligne sur leur plateforme.

La question est donc fréquemment débattue devant les tribunaux et certaines plateformes sont qualifiées d’éditeur de contenus alors même que leurs utilisateurs bénéficient d’une certaine autonomie dans la mise en ligne de données (c’est ainsi que la Cour de cassation a qualifié la société EBAY d’« éditeur de contenu » en 2012).

En l’espèce, en 2016, le Tribunal Judiciaire de Paris avait été saisi par le propriétaire d’un appartement qui avait découvert que son locataire avait sous-loué son logement sur la plateforme Airbnb, sans son autorisation.

En deux ans, la sous-location de son logement avait permis au locataire de gagner plus de 50 000 euros.

Assignée par le propriétaire, la société Airbnb invoquait ainsi sans surprise sa qualité d’hébergeur de contenu et contestait toute responsabilité.

Pour rejeter cette prétention et affirmer qu’Airbnb était un éditeur de contenu, le Tribunal Judiciaire a relevé que :

  • Airnbnb « donne des directives à ses hôtes : être réactif, accepter les demandes de réservation, éviter les annulations, maintenir une bonne évaluation globale et fournir des équipements de base, et le non-respect de ces directives peut aboutir à un retrait du contenu et/ou des pénalités » ;
  • Airbnb s’octroie, aux termes des conditions générales d’utilisation de la plateforme, « le droit de retirer un contenu pour non­ respect des conditions contractuelles » acceptées par les utilisateurs, mais également « pour toute autre raison à son entière discrétion » ;
  • « Ceux qui respectent au mieux ces directives peuvent être récompensés par l’attribution du qualificatif de « superhost » ».

Elle en conclut que « L’ensemble de ces éléments témoigne du caractère actif de la démarche de la société AIRBNB dans la mise en relation des hôtes et des voyageurs et de son immiscion dans le contenu déposé par les hôtes sur sa plate-forme. »

Ainsi, pour le Tribunal Judiciaire, la plateforme Airbnb « n’exerce pas une simple activité d’hébergement à l’égard  des hôtes qui ont recours à son site mais a une activité d’éditeur. »

En conséquence, la plateforme était en capacité de vérifier si l’hôte disposait du droit ou non de proposer à la location.

Sa responsabilité d’éditeur de contenu est donc retenue et elle se voit condamnée in solidum, avec le locataire, à verser au propriétaire la somme de 51 939,61 euros.

N. BRESSAND
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