(Tribunal judiciaire de Paris, 12 février 2021, RG n°18/14266)
En 2018, la Fédération Nationale des Chasseurs (FNC) lançait une campagne publicitaire nationale avec pour thème « Les chasseurs, premiers écologistes de France ?« .
Elle faisait notamment diffuser les affiches suivantes sur internet, dans la presse et sur les murs des métros de 5 villes françaises :
En réaction, la Ligue de Protection des Oiseaux (LPO) diffusait des affiches « satiriques » ayant pour objet de répondre à la campagne de la FPC.
La société MARKETING PUBLICITE 2000, créatrice des visuels de la FPC, mettait en demeure la LPO de cesser de dénaturer ses créations.
En réponse, la LPO assignait la FPC ainsi que son agence de communication en contrefaçon de droit d’auteur et parasitisme.
La LPO reprochait aux affiches de la FPC de reproduire les éléments caractéristiques de sa charte graphique de certains de ses visuels.
La demanderesse invoquait notamment les affiches suivantes qu’elle avait diffusées en 2015 :
Sur le droit d’auteur
Le Tribunal judiciaire rappelle d’abord que :
- l’originalité des œuvres doit être démontrée par celui qui les invoque ;
- une combinaison d’éléments connus n’est pas a priori exclue de la protection du droit d’auteur, sous réserve qu’elle soit suffisamment précise pour que le monopole sollicité ne soit pas étendu à un genre insusceptible d’appropriation ;
- une charte graphique peut être protégée par le droit d’auteur si elle rend compte de choix non contingents, personnels et présentant une certaine constance, à même de révéler la personnalité ou l’empreinte de son auteur.
A l’examen des affiches revendiquées par la LPO, le Tribunal relève l’ « absence d’intangibilité des caractéristiques graphiques revendiquées », du fait notamment d’une inconstance du code couleur utilisés par la LPO.
En conséquence, la juridiction parisienne conclut que la combinaison d’éléments revendiquée par la LPO ne répond pas au critère de nécessaire fixité d’une charte graphique ouvrant droit à la protection par le droit d’auteur.
Sur le parasitisme
Subsidiairement, la LPO sollicitait la condamnation de la FPC et de son agence de communication sur le fondement du parasitisme, lequel relève du régime de la responsabilité civile délictuelle (article 1240 du Code civil).
Pour rappel, le parasitisme consiste dans le fait « de profiter volontairement et de façon injustifiée des investissements, d’un savoir-faire ou d’un travail intellectuel d’autrui produisant une valeur économique individualisée, et générant un avantage concurrentiel, à tout le moins une image positive et une certaine renommée dont le parasite entend bénéficier à moindre frais. »
Selon la demanderesse, la FCP s’est délibérément placée dans le sillage de la LPO en utilisant les mêmes codes couleurs, un vocabulaire similaire et des éléments graphiques identiques.
Le Tribunal judiciaire relève d’abord que la LPO ne peut pas revendiquer un monopole sur le fait de faire figurer un cliché animalier sur une affiche.
Toutefois, il constate « une reprise systématique des caractéristiques essentielles des trois affiches de la LPO » :
- photographie d’un animal isolé appartenant à la même espèce ;
- mise en exergue d’une partie du titre/slogan de couleur blanche sur un bandeau de couleur verte.
Pour la juridiction saisie, il s’agit d’un imitation visuelle très nette qui démontre une « volonté d’induire un rapprochement évident dans l’esprit du grand public avec les campagnes de communication de la LPO, dans un but d’appropriation des valeurs qu’elle défend, voire de pied-de-nez à cette association écologiste. »
Compte tenu de la durée de la campagne publicitaire de la FCP (un mois), de sa portée et du budget consacré par la LPO à ses actions de communication (plusieurs millions d’euros par an), le Tribunal condamne la FCP à verser à la LPO une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts.