Droit d’auteur : l’absence d’originalité d’une photographie est un moyen de défense au fond

Dans une ordonnance rendue le 3 mai 2022, il a été jugé que l’appréciation de l’originalité d’une photographie ne relève pas de la compétence du juge de la mise en état, mais de celle du juge du fond.

Faits et procédure

En l’espèce, la société SUCRÉ SALÉ (www.photocuisine.fr) qui exploite des banques en ligne d’images culinaires (et travaille avec la société RightsControl chargée d’identifier les exploitations non autorisées de ses images) a assigné une société qui avait reproduit sur son site internet l’une de ses photographies intitulée « Tiramisu à la pomme ».

Comme il est d’usage dans le cadre d’un contentieux de droit d’auteur, la société défenderesse soutenait que cette image ne pouvait bénéficier de la protection accordée par le code de la propriété intellectuelle à défaut d’être originale.

La société assignée avait opposer cet argument devant le juge de la mise en état qui, depuis une récente réforme, est seul compétent pour se prononcer sur les fins de non recevoir.

L’objectif était ainsi de faire déclarer irrecevable l’action en contrefaçon engagée par la société SUCRÉ SALÉ.

Précisons à ce stade que l’on entend par « fin de non-recevoir » « tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée » (Article 122 du Code de procédure civile).

L’originalité d’une œuvre est une condition préalable à l’existence du droit d’auteur. Ainsi, pour certaines juridictions, à défaut d’originalité il n’y a pas de droit d’auteur et celui qui l’invoque se trouve privé de droit d’agir en contrefaçon de droit d’auteur.

Selon ce raisonnement, le défaut d’originalité serait donc une fin de non-recevoir, de la seule compétence du juge qui assure la mise en état de l’affaire (phase procédurale pendant laquelle l’affaire est mise en état d’être jugée).

Solution

Le juge de la mise en état du Tribunal judiciaire de Marseille, dans son ordonnance du 3 mai 2022, a au contraire estimé que la question de l’originalité de l’œuvre ne relève pas de sa compétence, mais de celle du juge du fond (qui, après la phase de mise en état, se prononce sur le fond du litige).

Pour le juge, il ne résulte d’aucune texte que l’originalité de l’œuvre serait une condition de recevabilité de l’action en contrefaçon. Ainsi, selon lui, « si la démonstration d’une telle originalité est bien exigée, elle est une condition du bien fondé de l’action et constitue un moyen de défense au fond« .

En conséquence, « l’appréciation de l’originalité de la photographie en cause relève du débat de fond et ne constitue pas une fin de non recevoir. Elle échappe donc à la compétence du juge de la mise en état. »

Si une tendance se dégage en faveur de la qualification de « défense au fond » de la contestation de l’originalité de l’œuvre, le défendeur d’une action en contrefaçon devra réfléchir à l’intérêt de soulever l’irrecevabilité de l’action devant le juge de la mise en état tant que la Cour de cassation n’a pas été invitée à se prononcer sur le sujet.

Il évitera ainsi de se voir opposer l’impossibilité de soulever cette question devant le juge du fond lorsque ce dernier estimera qu’il était de la compétence du juge de la mise en état d’apprécier l’originalité de l’œuvre.

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Pour toute question ou pour un premier avis gratuit sur un contentieux de droit d’auteur (notamment avec RightsControl / SUCRÉ SALÉ), vous pouvez m’écrire à : nb@bressand-avocat.fr