Contrefaçon de modèle de verre : il faut évaluer le modèle dans son ensemble

Cass. com., 23 juin 2021, n° 19-18.111

Dans un arrêt du 23 juin 2021, la Cour de cassation rappelle qu’un dessin ou modèle enregistré permet d’interdire toute exploitation de ce dessin ou modèle ou de tout autre dessin ou modèle qui « ne produit pas sur l’observateur ou utilisateur averti une impression visuelle d’ensemble différente. »

Deux verres à vin dans un combat pied à pied

En l’espèce, la société LALIQUE, qui distribue des produits de luxe, commercialise notamment un modèle de verre à vin déposé en France et en Union européenne.

La société LALIQUE a constaté que l’enseigne HABITAT commercialisait un modèle qu’elle estimait contrefaisant.

Elle a alors assigné la société HABITAT en contrefaçon (invoquant également des droits d’auteur et reprochant à la défenderesse des actes de concurrence déloyale).

A gauche, le modèle protégé par Lalique ; à droite, le modèle commercialisé par Habitat

Après avoir été déboutée de ses demandes en 2017, la société LALIQUE avait obtenu gain de cause devant la Cour d’appel de Paris en 2019.

Cette dernière a en effet estimé qu’HABITAT avait commis des actes de contrefaçon de droits d’auteur et de modèles, ainsi que des actes distincts de concurrence déloyale et parasitaire.

Selon la Cour, les tiges des verres donnent une impression visuelle globale d’identité dans la mesure où elle comportent toutes deux des éléments identiques dominants pour l’utilisateur averti compte tenu de ce que la liberté du créateur pour une tige de verre à vin est relativement restreinte.

Les quelques différences visibles apparaissent à l’utilisateur averti comme des variantes insignifiantes d’exécution technique procurant la même impression d’ensemble.

L’affaire a toutefois été portée devant la Cour de cassation.

L’impression visuelle d’ensemble des verres, et non de leur tige

Pour la Cour de cassation, le raisonnement des juges d’appel n’est pas conforme aux dispositions légales (art. L. 513-5 du code de la propriété intellectuelle et art. 10 du règlement européen n°6/2002 du 12 décembre 2001).
 
En effet, la Cour d’appel n’aurait pas dû, comme elle l’a fait, se contenter de relever que les tiges des modèles de verre à vin invoqués produisaient la même impression visuelle.

Elle aurait dû examiner l’impression visuelle d’ensemble produite par les modèles de verres déposés afin de rechercher si elle était identique ou différente de celle produite par le verre commercialisé par HABITAT.

L’arrêt de la Cour d’appel de Paris est donc cassé et l’affaire renvoyée devant une nouvelle cour d’appel.