La Cour d’appel de Montpellier a jugé, dans un arrêt du 21 octobre 2021, que le client d’une plateforme de paiement, d’échange et de stockage de cryptomonnaies avait la qualité de consommateur.
Faits
En 2018, un client de la plateforme de gestion de cryptomonnaies SPECTROCOIN était victime du piratage de son compte, occasionnant la perte d’une somme de 300 0000 euros stockée dans son portefeuille virtuel.
N’étant pas parvenu à être indemnisé de cette somme par la plateforme, le titulaire du compte piraté assignait devant le Tribunal de grande instance de Montpellier la société SPECTRO FINANCE LTD (société lituanienne domiciliée au Royaume-Uni), estimant qu’elle n’avait pas assuré une vigilance suffisante des opérations effectuées sur son « exchange ».
La société assignée, avant toute défense au fond, avait relevé l’incompétence du tribunal saisi au motif que le contrat signé entre les parties comprenait une clause donnant compétence aux juridictions lituaniennes en cas de contentieux.
Considérant cette clause applicable, le juge de la mise en état avait estimé que le Tribunal de grande instance de Montpellier était incompétent.
Le client piraté a fait appel de cette décision.
Solution
Devant la Cour d’appel de Montpellier, le client de la plateforme soutenait qu’il avait la qualité de consommateur, ce qui lui permettait d’intenter son action devant les juridictions françaises en application de l’article 18- I du Règlement européen applicable aux questions de compétences judiciaires.
L’action intentée par un consommateur contre l’autre partie au contrat peut être portée soit devant les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel est domiciliée cette partie, soit, quel que soit le domicile de l’autre partie, devant la juridiction du lieu où le consommateur est domicilié.
Article 18, 1 du Règlement (UE) N° 1215/2012 du 12 décembre 2012
La société lituanienne contestait cette qualité à son client, rappelant que celui-ci avait contribué à la création de la cryptomonnaie « XEM » qui composait son portefeuille virtuel piraté et qu’il avait été membre de la Fondation « NEM » dédiée au développement de la monnaie « XEM ».
Elle estimait également que le contrat d’ouverture d’un portefeuille virtuel entrait dans le cadre de l’activité professionnelle de ce client et que les sommes en jeu étaient suffisamment importantes pour le démontrer.
Elle avançait enfin que, sur le plan fiscal, le Conseil d’État considère que les revenus tirés de la cession de bitcoins (autre cryptomonnaie bien connue) sont imposables dans la catégorie des revenus professionnels de type « bénéfices non commerciaux ».
De son coté, le client lésé faisait valoir qu’il avait obtenu des XEM lorsqu’il avait participé au développement de cette monnaie en tant qu’étudiant/amateur et que la monnaie XEM reçue en 2015 n’avait, à cette époque, aucune valeur pécuniaire.
Pour la cour d’appel :
- le seul fait que la somme perdue par le plaignant s’élève à 300 000 euros ne suffit à le qualifier de professionnel;
- il n’est pas démontré que le client a déclaré officiellement une activité liée à ce portefeuille de monnaie virtuelle;
- la seule imposition des opérations de cessions de monnaie virtuelles comme revenus professionnels ne permet pas de qualifier celui qui les détient de professionnel;
- le plaignant avait participé au projet « XEM/NEM » en tant que bénévole.
Par conséquent, la cour d’appel considère que le client avait bien la qualité de consommateur, donnant ainsi compétence au Tribunal de grande instance (devenu « Tribunal judiciaire ») de Montpellier.
L’affaire est donc renvoyée au Tribunal qui devra déterminer si la société lituanienne a commis une faute et est responsable de la perte subie par le titulaire du compte piraté.