Dans une décision du 5 juin 2019, la Cour de cassation a approuvé la décision de transfert des noms de domaines « saoneetloire.fr », « saone-et-loire.fr » et « saône-et-loire.fr au profit du département de la Saône-et-Loire sur le double fondement des articles L. 42-2 du Code des postes et des communications électrique (CPCE) et L. 711-4 du Code de la propriété intellectuelle (CPI).
En l’espèce, une société avait réservé les noms de domaine suivants :
- « saoneetloire.fr » en 2004 ;
- « saone-et-loire.fr » en 2004 ;
- « saône-et-loire.fr » en 2012.
Le département de la Saône-et-Loire, titulaire de la marque « SAONE-ET-LOIRE LE DEPARTEMENT » depuis 2011, avait obtenu de l’AFNIC (l’Association française pour le nommage Internet en coopération) le transfert à son profit du seul nom « saône-et-loire.fr » dans le cadre de la procédure « SYRELI ».
La société réservataire avait formé un recours en annulation de la décision de l’AFNIC.
Devant le juge, le département avait de son côté soulevé la contrefaçon de sa marque et demandé au tribunal d’ordonner le transfert des deux autres noms de domaine « saoneetloire.fr » et « saone-et-loire.fr ».
Dans sa décision du 22 octobre 2015, le TGI de Nanterre avait fait droit aux demandes du département et ordonné le transfert des noms de domaine litigieux.
La société réservataire a interjeté appel de cette décision.
Par un arrêt du 14 mars 2017, la cour d’appel de Versailles a confirmé le jugement de première instance.
S’agissant du nom de domaine « saône-et-loire.fr » réservé en 2012, soit un an après l’enregistrement de la marque « SAONE-ET-LOIRE LE DEPARTEMENT », les juges ont classiquement retenu que la réservation du nom de domaine portait atteinte aux droits antérieurs du département dans la mesure où :
- le nom de domaine imitait la marque antérieure ;
- les services proposés par le réservataire de ce nom de domaine étaient similaires à ceux désignés par la marque antérieure ;
- il existait un risque de confusion dans l’esprit du consommateur laissant accroire à une origine commune des services offerts sous les deux dénominations.
La contrefaçon était ainsi caractérisée.
S’agissant des noms de domaine « saoneetloire.fr » et « saone-et-loire.fr », tous deux avaient été réservés en 2004 et étaient donc antérieurs à la marque du département. Il ne pouvait donc être opposé l’existence d’un droit antérieur.
C’est sur le fondement de l’article L. 45-2 du CPCE que la réservation de ces noms de domaine a pu être contestée.
Aux termes de cet article :
« […] l’enregistrement ou le renouvellement des noms de domaine peut être refusé ou le nom de domaine supprimé lorsque le nom de domaine est : […]
3° Identique ou apparenté à celui de la République française, d’une collectivité territoriale ou d’un groupement de collectivités territoriales ou d’une institution ou service public national ou local, sauf si le demandeur justifie d’un intérêt légitime et agit de bonne foi. »
L’article R. 20-44-46 du même code dispose à ce titre que :
« Peut notamment caractériser l’existence d’un intérêt légitime, pour l’application du 2° et du 3° de l’article L. 45-2, le fait, pour le demandeur ou le titulaire d’un nom de domaine :– d’utiliser ce nom de domaine, ou un nom identique ou apparenté, dans le cadre d’une offre de biens ou de services, ou de pouvoir démontrer qu’il s’y est préparé […] »
En l’espèce, la société réservataire n’a pas su convaincre les juges de son intérêt légitime.
Pour se défendre, elle faisait valoir l’existence d’une « exploitation publique et non-équivoque ininterrompue depuis 2004 » des deux noms de domaine, et ce « en lien avec le territoire couvert par la collectivité territoriale de Saône-et-Loire ».
Au contraire la cour d’appel a considéré qu’il n’est pas démontré que la société demanderesse proposait une offre de service en lien avec le département de la Saône et Loire.
Les juges ont ainsi retenu que « cette société n’avait pas d’intérêt légitime à obtenir l’enregistrement et le renouvellement jusqu’en 2012 des noms de domaine litigieux lesquels sont apparentés au nom de la collectivité territoriale de Saône et Loire ».
En l’absence d’intérêt légitime, la réservation du nom du département à titre de nom de domaine était injustifiée.
Téméraire, la société réservataire s’est pourvue en cassation. Sans succès. La Cour a rejeté le pourvoi et approuvé la décision des juges d’appel.
La Cour de cassation a ainsi jugé que :
« les règles gouvernant l’attribution des noms de domaine sur internet, qui respectent tant les principes de liberté de communication et de liberté d’entreprendre que les droits de propriété intellectuelle, n’ont ni pour objet ni pour effet de restreindre le droit du titulaire de marque d’interdire l’usage sans son consentement, dans la vie des affaires, d’un signe identique ou similaire à la marque, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux pour lesquels elle est enregistrée, si cet usage porte atteinte à la fonction essentielle de la marque, qui est de garantir aux consommateurs la provenance des produits ou des services, en raison d’un risque de confusion dans l’esprit du public, sauf les effets de l’intérêt légitime et de la bonne foi quant au renouvellement de l’enregistrement de noms de domaine sur internet ».
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