(Tribunal de l’Union européenne, arrêt du 21 avril 2021, affaire n° T‑44/20)
La société CHANEL est titulaire de deux marques françaises figuratives déposées en 1985 et 2013 et qui portent sur le célèbre logo de la maison de luxe constitué des deux lettres « C » entrelacées :
En 2017, la société chinoise HUAWEI, spécialisée dans les technologies de l’information et de la communication, déposait auprès de l’EUIPO (Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle) une demande d’enregistrement de la marque suivante :
La marque était déposée pour désigner des produits relevant de la classe 9 : logiciels, matériels informatiques,…
La société CHANEL a formé opposition à l’enregistrement de cette marque. L’opposition a été rejetée tant par la division d’opposition de l’EUIPO que par la chambre de recours de l’office.
L’opposante a alors saisi le Tribunal de l’Union européenne.
La marque renommée antérieure
Comme premier moyen, la société CHANEL invoquait le caractère renommé de ses marques antérieures.
Pour rappel, lorsqu’une marque jouit d’une « renommée », elle permet à son titulaire de s’opposer à l’enregistrement d’un signe identique ou similaire, même s’il désigne des produits ou services différents de ceux désignés par la marque renommée. Il s’agit donc d’une exception au « principe de spécialité » applicable en droit des marques.
Estimant que la marque déposée par HUAWEI était similaire à sa marque de renommée antérieure, CHANEL sollicitait le rejet de la demande de marque déposée par la société chinoise.
A l’examen des signes en présence, le Tribunal relève que :
- les signes doivent être comparés selon les formes et orientations dans lesquelles ils sont été déposés ;
- les deux signes opposés sont composés d’un cercle contenant deux courbes de couleur noire qui se croisent et se coupent pour former un élément central constituant une ellipse ;
- le signe de CHANEL présente des courbes plus arrondies et formant deux lettres « C », le signe de HUAWEI représente lui une lettre « H » ;
- la disposition et la stylisation des courbes diffèrent dans les signes : elles sont placées horizontalement dans l’un et verticalement dans l’autre et l’épaisseur du trait des courbes est plus importante dans le signe antérieur que dans le signe contesté ;
- de même, l’intersection des courbes est visible sur le signe contesté, le trait s’interrompant lorsque les courbes se croisent, ce qui n’est pas le cas dans le signe invoqué par CHANEL ;
- sur le plan conceptuel/intellectuel, le signe antérieur est composé des deux initiales de la fondatrice de la société CHANEL, tandis que le signe déposé par HUAWEI peut être perçu comme la lettre « H » stylisée ou comme deux lettres « U » entrelacées.
Sur la base de ces éléments, et sans même avoir à examiner le caractère de renommée de la marque française, le Tribunal estime que « la marque demandée et la marque prétendument renommée sont différentes ».
Le moyen de la société CHANEL est donc rejeté.
Le risque de confusion
La société CHANEL invoquait également l’existence d’un risque de confusion entre les marques, eu égard à :
- la similarité entre les signes ;
- la similarité entre les produits et services pour lesquels les marques étaient déposées.
Suivant un raisonnement similaire, le Tribunal de l’Union européenne constate que les marques sont globalement différentes, de telle sorte qu’une éventuelle similarité entre les produits et services ne saurait « contrebalancer et pallier cette dissimilitude ».
Aucune comparaison entre les produits et services n’était donc nécessaire.
Le Tribunal confirme ainsi la décision de rejet de l’opposition formée par la société CHANEL.