Droit applicable
Une marque française ne peut être enregistrée si elle est « composée exclusivement d’éléments ou d’indications pouvant servir à désigner, dans le commerce, une caractéristique du produit ou du service« . (Article L. 711-2, 3° du Code de la propriété intellectuelle).
Sont notamment considérées comme des « caractéristiques du produit » : sa qualité, sa quantité, sa destination, sa valeur, sa provenance géographique.
Cette règle applicable aux marques françaises l’est également aux marques de l’Union européenne (Article 7, 1. c du Règlement n°2017/1001 du 14 juin 2017).
A la lumière de ces éléments, les couleurs doivent-elles être regardées comme des caractéristiques des produits et empêcher la réservation d’un nom de couleur à titre de marque ?
C’est la question qui s’est posée au Tribunal de l’Union européenne (TUE) en juin 2020.
L’affaire « OFF-WHITE »
En 2017, la société du créateur et styliste américain Virgil Abloh a déposé auprès de l’EUIPO une demande d’enregistrement de la marque semi-figurative « OFF-WHITE » (blanc cassé en français) ainsi représentée :
La demande de marque désignait notamment les produits suivants : savons, produits de parfumerie, produits cosmétiques (classe 3), lunettes, housse pour ordinateur, étuis pour téléphone (classe 9), articles de bijouterie, montres, bagues, colliers (classe 14), coussins, meubles (classe 20).
L’examinatrice de l’office puis la chambre de recours de EUIPO ont partiellement rejeté cette demande pour les produits et services des classes 9, 14 et 20, estimant que la marque était descriptive des produits désignés et dépourvue de caractère distinctif.
Précisément, l’EUIPO a considéré que le terme « off-white » faisait référence à une couleur qui pouvait raisonnablement être perçue comme une caractéristique importante et manifestement pertinente pour ces produits.
Le Tribunal de l’Union européenne, devant lequel l’affaire a été portée, n’a pas été du même avis.
Dans sa décision du 25 juin 2021, le TUE rappelle d’abord qu’au sens de l’article 7 du Règlement 2017/1001, un signe ne peut être refusé à l’enregistrement « que s’il est raisonnable d’envisager qu’il sera effectivement reconnu par les milieux intéressés comme une description de l’une desdites caractéristiques » (Affaire T‑423/18, 7 mai 2019, point 42).
Il rappelle également qu’une « caractéristique » doit être objective et inhérente à la nature du produit ou du service ainsi qu’intrinsèque et permanente pour ce produit ou ce service (Affaire T‑423/18, 7 mai 2019, point 44).
Sur cette base, le TUE critique le raisonnement de l’office européen qui a considéré que le signe « off-white » renvoyait à l’aspect visuel des produits visés et serait donc perçu comme une information descriptive de la couleur de ces produits.
Pour le TUE, si le blanc cassé correspond à une couleur que peuvent revêtir les produits désignés, elle n’en constitue pas la couleur unique ni même prépondérante.
Ainsi, « le simple fait que les produits en cause soient disponibles en couleur blanc cassé, de façon plus ou moins habituelle et parmi d’autres couleurs, ne saurait avoir d’incidence, dès lors qu’il n’est pas « raisonnable […] d’envisager que, de ce simple fait, cette couleur sera effectivement reconnue par le public pertinent comme une description d’une caractéristique intrinsèque et inhérente à la nature de ces produits ».
Un nom de couleur peut donc être enregistré à titre de marque pour désigner des produits susceptibles de revêtir cette couleur, dès lors que ladite couleur n’est pas une caractéristique intrinsèque et inhérente de ce produit.
Décision : Arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 25 juin 2020, affaire T-133/19