Droit d’auteur : la responsabilité des sites de partages de contenu renforcée (YouTube, Facebook, Instagram..)

L’ordonnance n°2021-580 du 12 mai 2021 et la Loi n°2021-1382 du 25 octobre 2021, qui transposent en partie la directive européenne du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins, ont introduit de nouvelles dispositions dans le Code de la propriété intellectuelle.

Elles viennent renforcer la responsabilité de ce que la loi qualifie de « fournisseurs de services de partage de contenus en ligne », lorsque de tels contenus sont protégés par le droit d’auteur (article L. 137-1 et suivants du CPI).

Un régime de responsabilité spécifique est créé pour ces prestataires.

Quels prestataires sont concernés ?

Le « fournisseur de services de partage de contenus en ligne » est défini par la loi comme « la personne qui fournit un service de communication au public en ligne dont l’objectif principal ou l’un des objectifs principaux est de stocker et de donner au public un accès à une quantité importante d’œuvres ou d’autres objets protégés téléversés par ses utilisateurs, que le fournisseur de services organise et promeut en vue d’en tirer un profit, direct ou indirect ». (CPI, art. L. 137-1).

On pense évidemment aux plateformes de partage de contenus photos ou vidéos que sont Youtube, Instagram, Facebook ou encore Tiktok.

Sont toutefois exclus certains prestataires tels que les encyclopédies en ligne (tel que Wikipédia) ou les répertoires éducatifs et scientifiques, à condition leur finalité ne soit pas commerciale.

Quel nouveau régime de responsabilité ?

L’article L. 137-2 du Code de la propriété intellectuelle précise tout d’abord que les plateformes de partage de contenus réalisent des actes de représentation des œuvres (prérogative dont il faut rappeler qu’elle fait partie des droits patrimoniaux dont bénéficie l’auteur) en diffusant des contenus (vidéos, photos, audios) protégés par le droit d’auteur (pour un rappel des conditions de protection par le droit d’auteur : les droits d’auteur).

Le texte prévoit ensuite que :

« III.-1° En l’absence d’autorisation des titulaires de droits, le fournisseur d’un service de partage de contenus en ligne est responsable des actes d’exploitation non autorisés d’œuvres protégées par le droit d’auteur« .

Les plateformes sont ainsi, par principe, responsables de la diffusion de contenus sans le consentement des titulaires des droits d’auteur sur ces contenus.

Pour échapper à la mise en œuvre de cette responsabilité, la plateforme de partage devra démontrer qu’elle a cumulativement :

  • fourni ses meilleurs efforts pour obtenir une autorisation auprès des titulaires de droits ;
  • fourni ses meilleurs efforts pour garantir l’indisponibilité d’œuvres spécifiques pour lesquelles les titulaires de droits lui ont fourni, de façon directe ou indirecte via un tiers qu’ils ont désigné, les informations pertinentes et nécessaires ;
  • agi promptement, dès réception d’une notification suffisamment motivée de la part des titulaires de droits, pour bloquer l’accès aux œuvres faisant l’objet de la notification ou pour les retirer de son service, et a fourni ses meilleurs efforts pour empêcher que ces œuvres soient téléversées dans le futur.

Cette démonstration sera évaluée en prenant en compte plusieurs éléments factuels :

  • le type, l’audience et la taille du service ;
  • le type d’œuvres ou d’objets mis en ligne;
  • la disponibilité des moyens adaptés et efficaces ainsi que leur coût pour le fournisseur de services.

Équilibre nécessaire entre droits des auteurs et des utilisateurs

Un tel régime de responsabilité ne risque-t-il pas de freiner la création et le partage de contenus ?

L’article L. 137-4 du CPI précise à ce titre que ces dispositions protectrices des titulaires de droits d’auteur « ne doivent pas avoir pour effet de priver les utilisateurs […] du bénéfice effectif des exceptions au droit d’auteur » (droit de courte citation, parodie et pastiche, etc.)

Aussi, il est notamment prévu que la plateforme de partage de contenus donne accès à ses utilisateurs à un dispositif de recours et de traitement des plaintes relatives aux situations de blocage ou de retrait qui résulterait des actions menées à l’appui de ces nouvelles dispositions.

Ces plaintes doivent être traitées de manière « rapide et efficace, sans retard injustifié » et la plateforme doit justifier sa demande de blocage ou de retrait de l’œuvre lorsque cette action est contestée.

Une voie de recours spécifique est également mise en place au profit des utilisateurs et des titulaires de droits. Désormais, ceux-ci pourront saisir l’ARCOM (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique) pour contester les décisions de la plateforme.